CAMPAGNES SOLIDAIRES
Campagnes solidaires est le mensuel de la Confédération paysanne, engagé avec les paysans et les acteurs du mouvement social dans l'émergence d'autres mondes possibles. C'est un point de ralliement pour ceux qui veulent comprendre les réalités de la vie et des luttes paysannes dans le monde et ici en Europe. C'est aussi un espace pour ceux qui veulent s'exprimer sur ces réalités et la manière d'agir sur elles. Informer, c'est contribuer au débat sur les sujets de société tels que les OGM, la sécurité alimentaire et la mondialisation... Campagnes solidaires, notre, votre journal, tente chaque mois de restituer les résistances et les espoirs de ces luttes. Nous avons besoin de vous pour continuer ce combat.
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DossierReprenons la terre au machisme ! *Les dossiers sont disponibles en téléchargement trois mois après parution
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Par Nina Lejeune, secrétaire nationale et éleveuse dans le Var
S'installer comme paysanne, ce n'est jamais simple. Comme d'autres, je me suis heurtée au manque de reconnaissance, à la difficulté d'accéder aux aides et à des outils adaptés. Dans un monde agricole largement construit par et pour les hommes, il faut se battre. Ce qui m'a permis de tenir, c'est la force du collectif : le réseau de la Conf', la commission et les groupes femmes, le marrainage, l'entraide et la sororité. C'est ensemble que nous construisons la légitimité qu'on nous refuse encore trop souvent. Être paysanne au quotidien, c'est subir des obstacles structurels : foncier verrouillé, accès restreint aux crédits, droits sociaux et retraites insuffisants. Nos besoins ne sont pas secondaires, et revendiquer des politiques agricoles féministes est une nécessité politique.
S'engager à la Confédération paysanne, c'est aussi chercher à changer nos pratiques collectives. Militer, localement ou au national comme c'est mon cas depuis mai au sein du Secrétariat national, oblige à réorganiser sa ferme, sa vie familiale et personnelle. Pour moi, cela signifiait trouver un équilibre entre les réunions, fixées tous les mercredis, et ma vie de famille. Nous avons construit des solutions, par exemple, en alternant les jours de réunion. Si nous ne transformons pas nos manières de nous organiser, seules celles et ceux dont la ferme est stable, les enfants grands ou la vie familiale « bien réglée » pourront militer. Nous refusons cette sélection implicite. La parité et l'aménagement concret des conditions d'engagement sont des choix politiques pour rendre notre syndicat plus juste, plus représentatif, plus inclusif et réellement féministe.
Militer, c'est aussi exiger de le faire en sécurité. Les violences sexistes et sexuelles (VSS) traversent nos milieux. Depuis plusieurs années, la commission femmes agit : guide de prévention et d'actions, formations, dispositifs lors des événements. Aujourd'hui, nous construisons un protocole de lutte contre les VSS dans le réseau Conf' et Fadear. Parce que personne ne doit être réduit au silence, parce que nous devons pouvoir militer libres, respecté.es et cru.es. Le congrès de Langres, avec l'adoption de la motion « Place aux paysannes », a marqué un tournant. Mais ce n'est qu'un début.
Ce dossier, dix ans après le précédent, nous rappelle que nos luttes féministes sont toujours d'actualité ! Notre féminisme paysan n'est pas une option, il est une stratégie politique et une force collective. Notre charte le dit : l'exploitation des femmes et des minorités de genre est indissociable de l'exploitation de la nature par le capitalisme et le patriarcat. Y résister, c'est construire une agriculture paysanne réellement émancipatrice.
*Expression de la chercheuse Agathe Demathieu |










