Home > Campagnes solidaires > n° 421 - novembre 2025
Partager :

CAMPAGNES SOLIDAIRES


Campagnes solidaires est le mensuel de la Confédération paysanne, engagé avec les paysans et les acteurs du mouvement social dans l'émergence d'autres mondes possibles.

C'est un point de ralliement pour ceux qui veulent comprendre les réalités de la vie et des luttes paysannes dans le monde et ici en Europe.

C'est aussi un espace pour ceux qui veulent s'exprimer sur ces réalités et la manière d'agir sur elles.

Informer, c'est contribuer au débat sur les sujets de société tels que les OGM, la sécurité alimentaire et la mondialisation...

Campagnes solidaires, notre, votre journal, tente chaque mois de restituer les résistances et les espoirs de ces luttes. Nous avons besoin de vous pour continuer ce combat.

Le numéro du mois

n° 421 - novembre 2025
Editorial
Sommaire Dossier Archives

Editorial

Il est temps de reconnaître la valeur de notre agriculture ultramarine

Nos départements et régions d'outre-mer traversent une crise agricole profonde. Depuis plusieurs années, l'ouverture des marchés et la signature d'accords commerciaux - similaires à celui à venir entre l'Union européenne et le Mercosur* (1) - imposent une concurrence déloyale à nos paysan·nes, avec des normes sanitaires et environnementales beaucoup moins strictes pour les produits importés que pour nos productions locales (2). Résultat : baisse des revenus, difficulté à vivre de notre travail, vie chère et produits alimentaires de mauvaise qualité qui s'invitent dans nos rayons.

Le 8 octobre, la douane guadeloupéenne interceptait 23 tonnes de riz importé contaminé par des pesticides dans un dépôt local dans la zone industrielle de Jarry dans la commune de Baie-Mahault en Guadeloupe, et ce n'est pas la première fois. Cette situation illustre l'absence totale de protection de notre agriculture face à des importations qui menacent la santé des consommateur.ices et la viabilité des filières locales.

Nous sommes passé.es d'une société de production à une société de consommation, où l'on importe ce que nous pourrions produire, avec des standards inférieurs et à des prix qui étranglent nos exploitations. À cela s'ajoutent des conséquences environnementales catastrophiques : les modes de production intensifs des pays du Sud, fortement consommateurs de pesticides, génèrent pollution des sols et de l'eau, et aggravent le dérèglement des écosystèmes. Les vagues de sargasses (3) provenant du Brésil qui s'échouent sur nos côtes en sont un exemple concret, entraînant non seulement des nuisances économiques et sanitaires, mais aussi des maladies, parfois neurologiques, pour les populations locales. Cette situation est devenue invivable et met en évidence l'urgence de repenser nos modes d'échanges et de production.

Il est difficile de ne pas rappeler que dans les années 1960, l'agriculture ultramarine était florissante. Nos territoires produisaient des denrées locales de qualité, structurées autour de filières robustes et dynamiques. Aujourd'hui, les statuts de gouvernance actuels, à la fois au niveau national et européen, ne nous permettent pas de mener une politique favorable à notre agriculture ni d'envisager un développement global et durable de nos territoires.

Cette situation traduit malheureusement une domination coloniale persistante : une incapacité structurelle à protéger nos ressources et nos savoir-faire. Si nos élu.es et la société civile ne prennent pas conscience de cette urgence, nous risquons de perdre définitivement notre agriculture.

Pourtant, nos territoires disposent de cultures à forte valeur ajoutée, comme la vanille, le cacao, le café, la noix de coco et d'autres productions respectueuses du vivant et de l'environnement. Ces filières représentent un potentiel économique et culturel considérable. Les protéger et les développer devrait être une priorité politique et économique, plutôt qu'une simple variable d'ajustement face aux accords internationaux et aux logiques de marché.

Il est temps d'agir : défendre nos paysan·nes, imposer des normes équitables, protéger nos filières locales et reconnaître la valeur de notre agriculture ultramarine. Car sans cela, c'est tout un pan de notre identité, de notre culture et de notre souveraineté alimentaire qui disparaît.

Laurent Chathuant,
paysan en Guadeloupe, secrétaire national

Christophe Van Hoorne,
paysan dans la Marne, trésorier national

 

(1)   Communauté économique des pays d'Amérique du Sud, créée en 1991. Ses membres permanents sont l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay, le Venezuela (suspendu en 2017)

(2)   Par exemple l'accord de partenariat économique entre l'UE* et le Cariforum qui a été signé en 2008

(3)   Le Sargassum pélagique est une algue brune flottante. Depuis 2011, les côtes des Antilles et d'Afrique de l'Ouest vivent un véritable cauchemar : chaque année, elles sviennent s'échouer et se décomposer en énormes quantités sur les plages. (source IRD : https://urlz.fr/uTAc)

TROUVEZ UNE CONF'
NOUS CONTACTER Confédération Paysanne Grand Est
Maison de l'agriculture, 26 avenue du 109e RI, 52 000 Chaumont - Tél: 09 62 38 73 62
Confédération Paysanne Grand Est